L'ŒIL TACTILE
(...) La peinture actuelle de Cartier s'inscrit dans la poursuite d'une peinture figurative qu'il ne peut ni ne veut renier. Elle en reprend l'esprit, soit la tentative d'exprimer, si ce n'est une vérité intérieure, du moins une connaissance inexprimable par les mots, ou peut-être simplement le pressentiment de cette connaissance.
Le motif n'est pas gratuit, et les cercles concentriques ou la spirale pèsent de toute leur histoire symbolique, mais ce qui compte le plus actuellement, y compris dans la série de "la cérémonie des langues", c'est le geste de la recopie, laquelle implique en quelque sorte, la création d'un tableau réfléchi après celle d'un tableau surgi. Et l'avènement, après un tableau né de l'impulsion puis vu, d'un second tableau, né de la vision puis senti au doigt, à la main. Affaire de toucher qui explique l'intérêt de Cartier pour Alois Riegl et sa théorie d'une histoire de l'art se déroulant de façon dialectique de l'haptique (tactile) à l'optique, de l'objectif au subjectif.
Dans le procès de la représentation, avec les remous que l'on connaît dans la peinture contemporaine, Cartier prend le parti d'une vision qui n'est pas seulement extérieure, mais qui, par le toucher de l'Œil et le miroir de la main, rend à la peinture sa volonté de résolution du visible.
Jacques NORIGEON, 1997